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2003 2016  HORS ATELIER collaboration avec le spectacle vivant

EMERGENCE*

ART# TRANSFORMATION#

un besoin à créer

Et si j’essayais de me situer…

Il m’a fallu quelques années pour accepter qui je suis et renoncer à ce que je ne suis pas. L’atelier de peinture est un lieu qui ne m’est pas destiné en ce moment.

Mon lieu pour peindre, c’est le déplacement.

…Narcisse admire en son ami Goldmund ce qu’il n’est pas, un ascète, retranché du monde, dans un monastère, consacrant sa vie à la méditation et la spiritualité. Narcisse est un être sensuel en quête de sa forme à venir, au gré des chemins et des rencontres…

La lecture de «Narcisse et Goldmund» d’Hermann Hesse a confirmé en moi ce goût pour l’errance et l’exode.

 

Pour mon expression,  je me pose ici ou là, dans des salles de répétitions, des salles de cours d’expressions musicales, lyriques ou théâtrales, des salles où l’on danse. Je m’arrête au coin d’une ville, d’un bord de mer ou d’une maison de campagne.

Je pose mon regard en des temps qui se conjuguent avec la géographie.

Les images naissent de l’imprévu où je crée des liens qui m’échappent. La nonchalance y est à l’honneur mais aussi le grand vertige. Mes  sujets approchés sont en recherche et  je les vois prendre parti, élaborer un monde qui leur est propre. Moi, je doute. Un séisme existentiel enseveli les premières tâches, mon sujet persévère et il me hisse hors d’un scepticisme congénital… C’est dit ! Le contexte agit et détermine les petits jaillissements de mon être.

La particularité de mes « captures plastiques » repose sur un principe simple et simultané: je dessine de mémoire. La mémoire d’une émotion, celle qui engendre la pensée de l’instant. Le surgissement.

Comme une photographie, l’instant succède à un autre. L’un passe et le suivant s’immobilise, il fait écho sans prévenir : je ne savais rien, je doutais, j’étais perdue ou presque, en attente. Le secret réside quelquefois dans l’ultime renoncement. Délaissant l’infime certitude pour recevoir le présent : la vision intérieure. Elle dessine dans mes tréfonds la beauté. La vie. Elle me terrasse, elle m’abreuve, l’eau coule sur la feuille, les gestes effacent une à une les incertitudes souveraines. De mémoire je conçois ce qui m’a émue. Le timbre, la tessiture … tout teinte et teinte. Une ribambelle d’intentions contradictoires. Le geste et la trace se font face. Je bats la campagne, me démenant, déjouant les savoirs, savourant les instants d’oubli qui agissent au delà du reconnaissable.

Je me confie à l’amour, pourrais-je dire, le premier, l’inconditionnel, l’originel amour. La grande croisade, la quête d’une reconnaissance révolue. J’encercle ce qui me fut doux l’espace d’un instant : la grâce, la justesse ou la beauté de ce qui fut « bien » fait. Une statue s’envole. Tel un penchant incontrôlable pour une forme ou une pensée qui soit belle, je glane ici ou là un des éléments, une petite chose de plus, toujours la même.

Cette mémoire paradoxale de ce que j’aurai désiré ou de ce que j’aurai été si le futur antérieur pouvait refaire un monde à soi. La réconciliation…

L’élève et le maître sont un : le sujet ici capturé, la danseuse, le comédien, l’auteur, le chanteur de la chorale, le passant, l’inconnue, que sais-je, le ciel, je l’ai vu 1 fois au moins ou bien davantage.  Un être, un semblable, doté de toute la grâce et de l’imperfection qui me touche. L’instant qui me saisit nous échappe tout aussitôt, l’alchimie qui s’opère dans une fraction d’éternité s’offre ici ou là furtivement puis la vie reprend ses droits, la pesanteur rétablit l’apparence d’un ordre connu et pourtant ma mémoire a reconnu une étoile peut-être déjà éteinte à la quelle je rêve encore.

L’intuition. Comment qualifier cette chose fondamentale ?

De quelle expérience s’agit-il? Mais je me perds…et c’est indispensable.

Pourquoi suis-je allée voir 10 fois  « Théorème » où un personnage singulier lit de la poésie et perturbe l’ordre au sein d’une famille? Le témoin muet, un regard extérieur et silencieux, à qui chacun peut lui prêter librement l’idée qu’il se fait de lui-même. C’est le nouveau réalisme de Pasolini

Lorsque je peins, ce qui apparaît offre quelque chose à voir qui ne correspond à rien si ce n’est  à quelque chose d’autre. De la fantaisie souvent et parfois de l’éternel et du commun! Mais jours après jours un regard se pose. C’est déjà le simple principe d’un regard qui se pose. Et là tout commence, je me présente en dilettante de l’émotion,réceptacledesprojections transversales, amalgame de la vie.

Comment continuer, après un premier geste?

Quelque chose apparaît et il est indispensable de le regarder sans complaisance telle une annonce de la note à suivre ou à déjouer. Le temps et les humeurs font le reste. J’agis sans savoir, ignorant ce que je suis entrain de faire. Je saisis une vérité en mouvement, un souvenir ou son contraire, ce qui aura été capturé…

 

Capture plastique *Terme emprunté au texte de Corinne Kuperberg

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